Négociation d’un ANI pour l’anticipation et l’accompagnement des transformations du travail et de l’emploi
Un avant‐projet d’accord national interprofessionnel (ANI) en faveur de l’anticipation et de l’accompagnement des transformations du travail et de l’emploi a été transmis, le 18 mars 2024, aux organisations syndicales pour négociation.
Il convient de souligner que cet avant‐projet ne prévoit aucune mesure concernant le compte épargne‐temps universel, prévu dans le cadre du nouveau pacte de la vie au travail actuellement en négociation, en complément du compte épargne‐temps déjà mis en place.
Plusieurs dispositions prévues dans cet avant‐projet prévoient la refonte de certains dispositifs de formation existants ainsi que la mise en oeuvre de nouvelles mesures pour :
- Mieux anticiper les évolutions des emplois, des compétences et des qualifications afin d’accompagner les parcours professionnels des salariés tout au long de leur carrière
- Accompagner et sécuriser les salariés en troisième partie de carrière dans l’objectif d’améliorer le taux d’emploi et le maintien en emploi des séniors
Voici ci-dessous les principales mesures en matière de formation professionnelle.
Refonte des entretiens professionnels
Les organisations patronales envisagent de modifier la périodicité des entretiens professionnels en prévoyant un entretien professionnel tous les 5 ans ‐ en lieu et place des entretiens biennaux et sexennaux ‐ destiné à faire le point sur les compétences, les besoins de formation, la situation et l’évolution professionnelle du salarié.
Cet entretien serait, dès lors, complété par des entretiens renforcés, quelle que soit l’ancienneté du salarié, dans l’année qui suit respectivement ses 35ème, 45ème, 55ème puis 60ème anniversaires avec des objectifs précis pour chacun d’eux.
L’OPCO compétent pourra être sollicité par les employeurs de plus de 300 salariés dans l’organisation de l’entretien.
L’avant‐projet prévoit également de réinstaurer l’obligation préexistante à la loi du 5 mars 2014 d’organiser un rendez‐vous de 2ème partie de carrière dans l’année qui suit le 45ème anniversaire du salarié dans une logique de prévention et d’anticipation des situations d’usure professionnelle. A cet égard, le conseil en évolution professionnel (CEP) pourra être sollicité par le salarié d’une entreprise de moins de 300 salariés en aval de cet entretien afin d’analyser les conclusions et les perspectives issues de l’entretien professionnelle en matière de mobilité professionnelle.
Outils pour l’élaboration du plan de développement des compétences
L’accord cadre national interprofessionnel du 14 octobre 2021 prévoyait la publication d’un Vademecum paritaire ayant pour objectif de préciser les enjeux et les outils permettant d’approfondir le dialogue social.
Ce Vademecum, non publié à ce jour, serait mis à la disposition des OPCO afin d’accompagner les entreprises dans l’élaboration du plan de développement des compétences et ce, conformément à leur mission légale d’accompagnement des TPE‐PME dans l’information et l’accès à la formation professionnelle (cf. article L. 6332‐1 du Code du travail).
Les OPCO seraient également dotés d’une mission renforcée afférente à l’ingénierie des plans de développements des compétences pour l’ensemble des entreprises de moins de 300 salariés.
Mobilisation du CPF dans le parcours professionnel du salarié
Les partenaires sociaux alertent sur l’absence de mobilisation du CPF dans un objectif d’adaptation des compétences et du maintien dans l’emploi.
L’élaboration d’une stratégie de co‐construction et de co‐investissement entre le salarié et l’entreprise pour éviter au stagiaire de supporter le reste à charge introduit par la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 et la mise à disposition d’informations aux salariés sur les formations co‐financées par leur branche ou leur employeur et sur l’intérêt du CEP sont préconisées pour lever les freins à la mobilisation du CPF.
Pour rappel, le CEP est un outil d’accompagnement à disposition des salariés pour la formalisation et la mise en oeuvre de ses projets d’évolution professionnelle et la sécurisation de son parcours.
En outre, le permis moto ne serait plus finançable via le CPF et certaines formations devraient faire l’objet d’un ticket modérateur majoré permettant la réallocation des fonds vers des parcours davantage en lien avec les besoins des entreprises et des territoires.
Enfin, comme initialement prévu dans l’accord du 14 octobre 2021 susmentionné :
- Les entreprises et les branches devraient avoir la possibilité d’acheter des formations présentant un intérêt partagé et définies dans un accord collectif et de demander le remboursement à la CDC des sommes correspondantes dans la limite des droits inscrits sur le CPF de chaque salarié concerné et sous condition de son accord préalable.
- Le salarié devrait utiliser le solde de son CPF pour cofinancer son parcours d’évolution professionnelle.
Elargissement des conditions de recours au contrat de professionnalisation
Actuellement, seules les personnes âgées de 16 à 25 ans révolus, les demandeurs d’emploi âgés de 26 ans et plus et les publics dits "nouvelle chance" (demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an sur la liste des demandeurs d’emploi et bénéficiaires de minima sociaux) peuvent recourir à un contrat de professionnalisation.
Dans le prolongement des annonces gouvernementales, les partenaires sociaux souhaitent élargir le recours au contrat de professionnalisation en supprimant ces conditions d’éligibilité pour le repositionner comme un outil de reconversion et de mobilité professionnelle.
Amélioration des informations relatives aux outils d’accompagnement des salariés
Le passeport d’orientation, de formation et de compétences permet à chaque titulaire d’un compte personnel de formation de réunir dans un espace sécurisé les informations relatives aux formations et aux qualifications suivies dans le cadre de la formation initiale ou continue ainsi que les acquis de l’expérience professionnelle. Les partenaires sociaux préconisent le développement de fonctionnalités pour enrichir son contenu et l’accès à l’employeur des informations contenues dans ledit passeport, avec l’accord du salarié pour définir au mieux le plan de développement de compétences et conduire efficacement les entretiens professionnels.
Ils envisagent également de soumettre les opérateurs du CEP à une réglementation identique au sein d’un cahier des charges à définir ; à l’instar des obligations incombant aux prestataires de bilan de compétences et d’augmenter les cas de recours au CEP :
- En amont du parcours d’évolution professionnelle à l’initiative du salarié
- Dans le cadre des parcours d’évolutions professionnelles coconstruits conduisant à une mobilité externe afin d’accompagner les salariés issus des TPE/PME dans la construction de leurs parcours individualisés avec les salariés
- Dans le cadre des entretiens professionnels renforcés tout au long de la carrière des actifs
Mesures en faveur du financement de la formation
Les organisations patronales conviennent de codifier dans le Code du travail le dispositif des clauses de dédit-formation.
Pour rappel, cette clause prévoit le financement de la formation du salarié en contrepartie de son engagement à rester dans l’entreprise pour une certaine durée. A défaut, le salarié sera dans l’obligation de rembourser tout ou partie des coûts de formation.
Il serait également prévu de pouvoir amortir comptablement les dépenses de formation professionnelle engagées par les entreprises au‐delà de l’obligation légale, notamment via la clause de dédit-formation pour financer des formations certifiantes.
Remplacement du PTP et de la démission-reconversion par le PEP
Un nouveau parcours d’évolution professionnelle (PEP) serait mis en place en remplacement de l’actuel projet de transition professionnelle (PTP) et de la démission‐reconversion, dispositif prévu pour le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’entreprise.
Ce parcours peut être à l’initiative du salarié ou coconstruit avec son employeur, pour des mobilités internes ou externes.
Un parcours d’évolution professionnelle coconstruit entre l’entreprise et le salarié pour les mobilités professionnelles internes et externes serait également mis en place afin de couvrir l’ensemble des situations de mobilités via deux dispositifs uniques, en remplacement de la Promotion par Alternance (Pro‐A), des Transitions collectives (TransCo) et du congé de mobilité. Il s’agirait :
- Du PEP coconstruit
- Du contrat de professionnalisation révisé et la réaffectation des moyens actuellement dédiés aux transitions et reconversions professionnelles à ces deux dispositifs
Enregistrement de droit des certifications de branche
A l’instar des certifications délivrées par l’Etat, les organisations patronales sollicitent l’ouverture de la procédure d’enregistrement de droit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) des certifications de branche lorsque cela est justifié par une décision de commission paritaire nationale de l’emploi (CPNE).
Enfin, le projet d’accord prévoit des mesures permettant de renforcer le pilotage stratégique et opérationnel des différentes institutions et la réallocation des financements vers les nouveaux dispositifs.