Ce projet de loi, tel qu’adopté par le Sénat, renforce les pouvoirs de contrôles de l’administration et des financeurs et de sanctions en cas de constatations de manœuvres frauduleuses.

Renforcement de la lutte contre la fraude au CPF

L’article 11 prévoit que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) pourra, dans le cadre de ses contrôles, faire l’usage d’une identité d’emprunt ainsi que lors des contrôles des organismes de formation réalisant tout ou partie de leur formation à distance ou dont l’inscription peut se faire en ligne.

Les greffiers des tribunaux de commerce et les établissements bancaires des organismes de formation seront habilités à communiquer à la CDC tout renseignement utile de nature à faire présumer de telles fraudes ou à lui signaler tout flux financier suspect. Un décret devrait préciser les modalités de transmission de ces informations.

L’article 13 prévoit que les ministères et organismes certificateurs communiqueront à la CDC les informations relatives aux titulaires du passeport de prévention ainsi que les informations, dont le numéro d’inscription au répertoire national d’identification (NIR ou numéro de sécurité sociale) des personnes physiques, relatives aux personnes :

  • Inscrites à une session d’examen en vue de l’obtention d’une certification professionnelle enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles, d’une attestation de validation d’un ou de plusieurs blocs de compétences constitutifs d’une certification professionnelle ou d’un certificat de spécialisation d’une certification professionnelle,
  • Inscrites à une session d’examen en vue de l’obtention d’une certification ou d’une habilitation enregistrée dans le répertoire spécifique,
  • Présentes aux sessions d’examen,
  • Titulaires des certifications, des attestations et des habilitations.

Ces informations seront mises à disposition, par la CDC, des organismes de formation ayant conclu un contrat de formation avec le stagiaire concerné, aux seules fins de prévention et de détection des fraudes aux inscriptions et à la présentation aux épreuves de certification. Un décret en Conseil d’Etat sera nécessaire pour définir les modalités de mise en œuvre de cette collecte d’informations ainsi que les conditions dans lesquelles France Compétences vérifiera les conditions d’honorabilité professionnelle des organismes certificateurs et s’assurera qu’ils ne poursuivent pas d’autres buts que ceux liés à la certification professionnelle.

Sur le volet préventif, les sénateurs ont entériné le fait que les formations ne seraient plus prises en charge si le titulaire du compte, sans motif légitime, ne se présente pas aux épreuves prévues par les organismes certificateurs.
Les motifs dont pourront se prévaloir les stagiaires pour justifier une absence à un examen seront appréciés selon des modalités déterminées par décret. Par ailleurs, en cas d’absence, le titulaire du CPF resterait tenu de payer l’organisme de formation et la CDC lui réclamerait le remboursement des sommes déjà mobilisées.

Afin d’éviter le détournement des comptes des titulaires, le titulaire du CPF ne pourra pas mobiliser les droits inscrits sur son compte pour financer une action de formation sanctionnée par une certification ou un bloc de compétences qui aura été précédemment obtenu ou validé, à l’exception d’une certification visant à atteindre un niveau de connaissance d’une langue.

Une majoration de 10 % sera applicable aux sommes réclamées qui n’ont pas été réglées aux dates d’exigibilité indiquées par le directeur général de la CDC. Lorsque le remboursement des sommes indûment versées ou mobilisées aura été effectué, cette majoration pourra faire l’objet d’une remise gracieuse totale ou partielle après règlement des sommes dues après demande auprès du directeur général de la CDC. Ce dernier pourra également délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du titulaire du CPF devant la juridiction compétente, comportera tous les effets d’un jugement.

Une majoration de 50 % au plus sera applicable aux sommes versées ou mobilisées en cas de manœuvres frauduleuses.

Nouvelle sanction relative au fait de se prévaloir de la qualité d’opérateur de conseil en évolution professionnelle

Le fait de se prévaloir de la qualité d’opérateur de conseil en évolution professionnelle ou de créer la confusion avec cette qualité sera puni d’une amende de 4 500 euros.

Passeport de prévention

Le passeport de prévention, permettant de faciliter le respect par les employeurs de leur obligation de formation, comportera les attestations, certificats, certifications professionnelles et diplômes obtenus dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail.

Il sera renseigné notamment par :

  • L’employeur pour les formations dispensées à son initiative, sauf à ce qu’elles aient été dispensées par un organisme de formation ou par le biais d’un sous-traitant pédagogique,
  • L’entreprise de travail temporaire, après information de l’entreprise utilisatrice lorsque les formations sont dispensées aux salariés temporaires à l’initiative de cette dernière, sauf à ce qu’elles aient été dispensées par un organisme de formation ou par le biais d’un sous-traitant pédagogique,
  • L’organisme de formation pour les formations qu’il dispense directement ou par le biais d’un sous-traitant pédagogique,
  • Les ministères et organismes certificateurs, dans le cadre de la communication des informations relatives aux titulaires des certifications,
  • Le titulaire lorsque les attestations, certificats et diplômes ont été obtenus à l’issue de formations relatives à la santé et à la sécurité au travail qu’il a suivies de sa propre initiative.

Le titulaire du passeport de prévention aura accès à l’ensemble des données qui y figurent. L’employeur pourra consulter et conserver, sauf opposition du titulaire, l’ensemble des données, pour les besoins du suivi de ses obligations en matière de formation à la santé et à la sécurité.

Le fait de ne pas renseigner le passeport de prévention sera puni d’une amende de 2 500 euros.

Sanctions des agissements pour l’obtention de droits au titre du compte professionnel de prévention

Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir, par toute fausse déclaration, manœuvre ou inobservation des règles issues du code de la sécurité sociale en vue des droits au titre du compte professionnel de prévention pourront être sanctionnés par un avertissement ou une pénalité.

Nouvelles règles à intégrer au sein du règlement intérieur de l’OF et du CFA

Lorsqu’il sollicite des fonds auprès des financeurs, l’organisme de formation assurera le traitement égal de tous les stagiaires et apprentis. Il veillera au respect de la liberté d’expression et de conscience, ainsi qu’à la neutralité des enseignements dispensés. Ces obligations devront être inscrites dans le règlement intérieur applicable aux stagiaires et aux apprentis.

Sanctions en cas de contrôle administratif et financier

En cas de contrôle d’un organisme chargé de réaliser tout ou partie des actions concourant au développement des compétences, ces actions seront réputées inexécutées et donneront lieu à remboursement des fonds auprès de l’organisme ou de la personne qui les a financées dans les cas supplémentaires suivants :

  • Lorsque l’action de formation est assurée par un ou des formateurs ne disposant pas des diplômes, certificats, titres, attestations, autorisations et qualités en lien avec l’action réalisée,
  • Lorsque l’action de formation promeut ou conduit à l’exercice d’une profession réglementée ou d’une profession de santé alors que les formateurs n’ont pas les titres, diplômes et qualités nécessaires ou que les bénéficiaires de la formation ne disposent pas des prérequis nécessaires pour entrer en formation,
  • En cas de manquement de l’organisme de formation aux nouvelles obligations des OF et CFA de traiter de manière égale les stagiaires et apprentis et de veiller au respect de la liberté d’expression et à la neutralité des enseignements dispensés.

Le droit de reprise de l’administration s’exercera jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle de la clôture de l’exercice au cours duquel les fonds versés en vue du financement des actions concourant au développement des compétences, qui font l’objet de la reprise, ont été comptabilisés par l’entreprise ou par l’organisme.

Par dérogation, le droit de reprise de l’administration pourra s’exercer jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle de la clôture de l’exercice au cours duquel les fonds versés ont été comptabilisés notamment lorsque l’employeur ou l’organisme chargé de réaliser tout ou partie des actions de formation a commis des manœuvres frauduleuses ou que des manquements sont révélés par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse.

Nouveaux cas de refus d’enregistrement en qualité d’organisme de formation

L’enregistrement de la déclaration d’activité pourra être refusé dans les cas supplémentaires suivants :

  • L’organisme ne dispose pas de locaux lui permettant de justifier de sa capacité à réaliser les actions de formation par apprentissage,
  • Le dirigeant de droit ou de fait de l’organisme a fait l’objet, dans les 4 ans précédant la demande, d’un procès-verbal constatant une infraction telle que l’absence de déclaration d’activité ou de cessation de celle-ci, manquements à la probité et aux mœurs etc. (articles L. 6355-1 à L. 6355-22 du Code du travail), assorti d’une annulation de la déclaration d’activité,
  • Le dirigeant de droit ou de fait de l’organisme a fait l’objet, dans le cadre d’un contrôle de ses dépenses ou de ses activités, dans les 5 ans précédant la demande, d’une décision de rejet et de versement et ne justifie pas du règlement du montant exigible auprès de l’administration chargée du recouvrement.
Sanction en l’absence de transmission des données issues de la comptabilité analytique des CFA

Le fait de ne pas transmettre les données issues de la mise en œuvre de la comptabilité analytique et l’attestation du commissaire aux comptes à France Compétence sera puni d’une amende de 4 500 euros.

Lutte contre le travail dissimulé

Enfin, dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé dans les chaînes de sous-traitance, les sénateurs ont aligné le nouveau devoir de vigilance incombant aux maîtres d’ouvrage sur celui existant des donneurs d’ordres.